Associé à Didac Costa,  notre adhérent Stéphane le Diraison vient de terminer à la 15e place de la Transat Jacques Vabre, également appelée la Route du Café. Le duo aura réussi une belle remontée au large des côtés du Brésil, assurant des vitesses de 16 à 17 noeuds.  Au total, il aura mis 21 jours 21 heures 38 minutes et 14 secondes pour parcourir 6351 milles depuis Le Havre. Avant le départ, Stéphane nous avait accordé un entretien dans le cockpit de son bateau Time for Océans, amarré dans le bassin Paul Vatine. Nous le remercions ici pour les quelques instants passés avec lui et pour ses réponses toujours précises et argumentées.

Stéphane, peux-tu nous rappeler dans quel contexte se déroule cette course qui réunit 22 bateaux dans la seule classe IMOCA ?

Je me suis réengagé dans la campagne du Vendée Globe dont la prochaine édition aura lieu en 2024. Cette course représente pour tous les navigateurs, nos jeux olympiques. Les conditions d’accès nous imposent huit courses qualificatives dont fait partie la Jacques Vabre. Cela suppose de prendre le départ de ces compétitions et de les terminer.

 

Les organisateurs ont imposé aux IMOCA d’aller virer un archipel au large du Brésil, un détour pour permettre aux 4 classes de bateaux d’arriver à peu près dans les mêmes temps à Fort de France. Mais cela revient à traverser deux fois l’équateur et le pot-au-noir ?

Oui, cela s’annonce riche en rebondissements positifs ou négatifs. Les dernières fois que je suis passé dans ces parages, les résultats ont été en ma défaveur. Ce qui veut dire que statistiquement, cela pourrait être mon année. Ce pot-au-noir pourrait jouer le rôle de passage à niveau, notamment pour les bateaux à grands foils et donc resserrer la flotte.

 

La Jacques Vabre est une course en duo et tu pars avec Didac Costa. Comment vous êtes-vous associés pour cette course ? Comment allez-vous vous répartir les rôles ?

Avec Didac, on se connait bien. Nous avons terminé tous deux le dernier Vendée Globe dans les mêmes zones de classement. Il y a entre nous beaucoup de respect et d’estime. Le fait d’avoir deux skippers à bord permet d’optimiser la performance du bateau. Dans ce contexte, les échanges humains sont particulièrement riches et très complémentaires.

Ainsi les manœuvres sont grandement facilitées. Et pas d’un facteur deux. Disons plutôt que le temps d’intervention pour affaler une voile est divisé par trois ou par quatre. Affaler une voile suppose des allers et retours sur le pont, déplacements que nous n’avons plus dans ce cas. Et les périodes de repos s’avèrent plus profondes et plus longues.

L’autre conséquence, c’est que ces conditions s’avèrent très exigeantes pour le bateau. Ainsi en solitaire, j’exploite le bateau à 80, voire 90%. Avec deux skippers, nous sommes désormais à 100%.

 

Comment as-tu fait évoluer ton bateau ? Lors du dernier Vendée Globe, tu avais rencontré des problèmes avec le hook, système d’accrochage de la grand voile.

C’est un problème aujourd’hui résolu. Mais nous venons de constater une fissure sur le rail de grand voile que nous sommes contraints de changer la veille du départ. Une chance que l’on ait découvert ce problème alors que nous sommes toujours au ponton.

Nous avions également des fuites au niveau des puits de foils, les câbles qui tenaient le mât étaient détendus… Ce problème me tenait à cœur car j’avais démâté lors d’une précédente édition du Vendée Globe. Un sentiment très désagréable car dans ce genre de situation, on est tout le temps dans la crainte de la défaillance.

 

Lors de tes présentations au sein de notre club Nautique-Sèvres, tu as toujours déclaré que tu notais avec ton équipe, les améliorations à apporter à ce type de bateau. Vas-tu utiliser cette somme d’expériences et de retours pour construire une nouvelle unité ?

Ah, j’adorerais construire un nouveau bateau. D’autant que nous avons des tas d’idées pour réaliser une vraie démonstration de ce que pourrait apporter l’Eco-conception. Nous avons déjà mis en œuvre certaines de ces idées, par exemple sur les 20 m2 de pont de Time for Océans. Grâce aux biomatériaux, nous avons réduit de 30% l’utilisation du carbone pour une perte de performance évaluée à seulement 2%. Nous avons également réussi à réutiliser l’existant, par exemple nous avons monté les foils et les puits de foils d’un autre bateau.

Le seul problème c’est qu’il y a actuellement 11 nouveaux bateaux en construction pour le Vendée Globe 2024. Ce qui ferme un peu le jeu car les chantiers capables de construire ce type bateau ne sont pas légion en France. Alors, il y a une autre solution : c’est de récupérer un bon bateau existant, plus performant dès 2023. Ce qui me permettrait de préparer la Route du Rhum, l’Artique Race et la Bermudes 1000 Race.